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Je ne peux me résoudre à ce que deux filles brûlées vives dans un bus, voient leurs assassins libérés, sans autre forme de procès. J’ai le droit de ne pas voir ma justice bafouée sur l’autel d’un deal honteux.

« Priver les gens de leurs droits fondamentaux revient à contester leur humanité même. » Nelson Mandela, militant sud-africain des droits civiques.

Rien ne nous empêchera de penser que l’amnistie est l’expédient des gouvernements faibles. Ceux qui ne savent reconnaître leurs responsabilités dans les actes qu’ils veulent dissiper de nos mémoires.

Serions-nous moins dignes que les afrikaners qui ont reconnu leurs errances de l’apartheid en Afrique du Sud ou que les Rwandais qui ont su mettre face à face bourreaux et victimes, pour que les uns se repentent et que les autres pardonnent ? En Afrique du Sud, les auteurs des crimes qui ont confessé toute la vérité sur les crimes politiques qu’ils ont commis, y compris des violations graves des droits de l’homme, à la Commission vérité et réconciliation ont bénéficié de l’amnistie. Dans la région de Diffa au Niger, les communautés ont proposé que les ex-membres du groupe armé Boko Haram puissent être réintégrés pour autant qu’ils demandent pardon et jurent sur le Coran de renoncer à la violence.

Macky Sall a fait déposer un projet de loi d’amnistie des actes commis au cours des troubles traversés par notre pays depuis trois ans, qui visera les faits survenus au cours de différents épisodes de troubles survenus depuis 2021. Cette loi d’amnistie se veut une main tendue du président sortant à la principale force de l’opposition, l’ex-Pastef. Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye croupissent en prison pour, entre autres charges, appel à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’État, actes et manœuvres propres à compromettre la sécurité publique et à créer des troubles politiques graves.

Alors ? On efface tout et…On recommence ? Ma bagne !

Dans un Sénégal qui avait pourtant des enjeux majeurs à définir pour surtout mettre sa jeunesse hors de portée des requins de l’Atlantique et des esclavagistes libyens, dont on espérait de ses élites politiques qu’elles disposent enfin notre pays dans « le temps du monde », nous fûmes convoqués à notre corps et à notre cœur défendant, à être les spectateurs d’un combat politicien entre deux hommes qui avaient décidé qu’ils étaient les maîtres de notre temps et les seuls à pouvoir magnifier notre avenir. Trois années durant, de « Sweet Beauté » à « Shit Botté », à coups de Mortal Kombat, de « Gatsa Gatsa », et de « Tocc sa Gatt » à faire se retourner Mamadou Dia, Lamine Guèye et Senghor dans leurs tombes, Macky Sall et Ousmane Sonko, ont par la violence de leur affrontement, pulvérisé ce qui faisait la singularité et la particularité du Sénégal, à savoir sa légendaire concorde, enviée par toute l’Afrique et voilà qu’à présent, ils veulent signer leur deal puant sur 70 linceuls souillés par leurs prétentieuses désinvoltures…

Ma bagne ! J’ai le droit de savoir si 70 personnes sont mortes parce qu’un leader n’a pas su assumer son appétence pour la gaudriole, et a préféré se draper dans la posture du martyr, se servant d’une jeunesse avide de son projet, comme écran de fumée dissipant sa légèreté.

Ma bagne ! J’ai envie de savoir s’il y a eu un complot contre le leader de Pastef, quels sont les personnes qui le faisant ont participé à semer l’Apocalypse dans le pays.

Ma bagne ! J’ai envie, comme tous mes compatriotes pourquoi notre économie s’est dissoute devant leurs incuries et s’est transformée en gouffre financier.

Ma bagne ! J’ai le droit de savoir pourquoi des vandales et des pillards, dont les comportements ont été validés par les politiques ont cramé des biens privés, installé une telle insécurité, que des années scolaires et universitaires furent vendangées et perdues.

Ma bagne ! J’ai le droit de savoir si ce sont des forces de défense et de sécurité ou des forces obscures qui ont tué par balles des dizaines de jeunes. C’est facile à savoir. Je ne peux me résoudre à ce que deux filles brûlées vives dans un bus, voient leurs assassins libérés, sans autre forme de procès qu’une indemnisation de leurs parents.

Ma bagne ! Je veux comme des millions de compatriotes, qu’avant de pardonner, certains boutefeus se repentent et ramènent à la raison leurs militants fanatisés, bouffis de haine et perclus des raccourcis les plus stupéfiants.

Ma bagne ! J’ai le droit de ne pas voir ma justice bafouée sur l’autel d’un deal honteux qui n’honorera pas celui à qui il sensé profiter, et qui veut tout de même garder son image de héros prométhéen, pour qui sait, à sa sortie, faire cortège victorieux vers le Palais enfin libéré de son gladiateur complice et favori.

Ma bagne ! Que ceux qui ont tenté d’assassiner Maïmouna Ndour Faye, n’imaginent pas qu’ils pourront aussi bénéficier de ces amnisties de pacotille, puisque prime est à présent donnée aux bandits déguisés en prisonniers politiques.

Ma bagne !!! Ma lank !!!

Ceux qui feront de ces linceuls des cache-sexes de leurs turpitudes, en votant cette loi d’amnistie, auront la mort de ces jeunes martyrs, sur la conscience.

Conscience avez-vous dit ? En sont-ils seulement pourvus ? La réponse est dans la question.

JEAN-PIERRE CORRÉA

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